L’horlogerie, un symbole de la réunification allemande

Il y a 25 ans tombait le Mur de Berlin, symbole de la Guerre Froide. De cet événement découla la réunification allemande et un grand chantier: faire de l’ex-RDA un territoire modernisé, parfaitement intégré au reste de l’Allemagne et à l’Europe. Il est une histoire quelque peu méconnue, celle de l’horlogerie saxonne, au prisme de la réunification. Des marques réputées comme Glashütte Original, A. Lange & Söhne, Nomos, Tutima, Union, Moritz Grossmann, ou même Bruno Söhnle ont toutes pour point commun d’être installées en Saxe, dans la ville de Glashütte, berceau de l’horlogerie allemande. Car au XIXème siècle, de nombreux horlogers prestigieux s’y cotoyaient: Julius Assmann, F. A. Lange, Moritz Grossmann ou encore Adolf Schneider.

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  L’économie horlogère saxonne peut se diviser en deux catégories: les marques historiques qui ont vu leur activité stopper à l’époque de la RDA puis redémarrer après la réunification, et les marques qui ont profité des atouts de l’ex-RDA pour lancer leur activité. Nomos, par exemple, est une marque récente au lendemain de la réunification. Et le succès de cette marque, spécialisée dans les montres de style Bauhaus, est à l’image de la réussite économique de l’Est de l’Allemagne. De même la manufacture Moritz Grossmann, si elle porte bien le nom d’un illustre horloger saxon du XIXème siècle, est une marque très récente, fondée en novembre 2008. Et, si une marque familiale comme Tutima, fondée à Glashütte a pu « s’exiler » en RFA, d’abord à Memmelsdorf en Bavière, puis Ganderkesee en Basse Saxe pendant la Guerre Froide, elle est revenu dans sa ville natale, il y a trois ans. Mais les deux plus belles réussites de Glashütte sont sans conteste A. Lange & Söhne et Glashütte Original, appartenant respectivement aux groupes Richemont et Swatch.

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Créer, sur les ruines de la RDA, la plus belle horlogerie du monde

Walter Lange a ainsi profité de la réunification pour reconstruire l’entreprise de son arrière grand-père, Ferdinand A. Lange. Sa famille avait été expropriée en 1848 et contrainte de s’exiler à côté de Stuttgart, à Pforzheim, autre grande cité horlogère allemande, mais à l’est cette fois. Le défi de Walter Lange était impressionnant: malgré une ellipse de 40 années, refaire de A. Lange & Söhne, fondée en 1845, l’une des manufactures les plus prestigieuses au monde, et ainsi concurrencer l’horlogerie suisse. Walter Lange inscrit donc la marque Lange Uhren GmbH au registre du commerce , avec le soutien de Günter Blümlein. Avec une équipe restreinte, A. Lange & Söhne a réussi à retrouver son faste d’antan, avec la présentation de trois superbes collections: Lange 1, Saxonia, Arkade et d’une montre exceptionnelle qui a bluffé un grand nombre de professionnels: la montre Tourbillon « Pour le mérite ». L’objectif de Walter Lange était ainsi en passe d’être atteint, seulement 4 ans après la re-création de la manufacture A. Lange & Söhne.

Mühle, ou comment survivre à l’expropriation

Les Mühle sont une vieille famille horlogère saxonne, puisque Robert Mühle, ancien apprenti de Moritz Großmann (ou Grossmann), se mit à son compte dès 1869. L’activité fut continue pendant 75 ans, jusqu’à ce que la famille soit expropriée de son outil de travail. Certaines activités subsistèrent mais fûrent éclatées sous le nom, “Messtechnik Glashütte” au sein du conglommérat d’état Zeiss-Werke à Jena. Toutefois, la troisième génération Mühle, représentée par Hans réussit à percer en Allemagne de l’Est en devenant la seule usine concevant des cadrans pour les trains servant à mesurer la pression et la température. Curiosité de l’Histoire, lorsqu’Hans Mühle mourrut , il put léguer son entreprise à son fils, Hans-Jürgen Mühle, celle-ci n’étant pas publique mais bien privée. Toutefois, les Mühle furent expropriés une seconde fois et l’activité fut absorbée par VEB Glashütter Uhrenbetriebe. Et, ironie ou pas, Hans-Jürgen Mühle en devint le directeur des ventes à la réunification. Après, il fonda “Mühle-Glashütte GmbH nautische Instrumente und Feinmechanik“ dans la lignée de l’héritage familial.

Glashütte Original, de « VEB Glashütter Uhrenbetriebe » au Swatch Group

L’histoire de Glashütte Original est sensiblement différente de celle d’A. Lange & Söhne, puisqu’il s’agit en quelque sorte – pardonnez-moi ce raccourci historique – d’une création de la RFA. VEB Glashütter Uhrenbetriebe était un conglomérat est-allemand fondé à partir des manufactures horlogères basées dans la ville de Glashütte, dont, l’ex-manufacture Lange, Strasser & Rohde, ou encore Mühle (voir plus haut). Attention toutefois au manichéisme: VEB Glashütter Uhrenbetriebe n’est pas le gros méchant conglomérat qui a fait disparaître un savoir faire, au contraire. A la limite, la RFA a plus fait pour l’horlogerie allemande que la France pour sauver l’horlogerie du Jura et du Doubs! L’activité horlogère et micro-mécanique a perduré à Glashütte, malgré et grâce à VEB Glashütter Uhrenbetriebe. Et, à la réunification, le congomérat fut privatisé et rebaptisé  Glashütter Uhrenbetrieb GmbH, plus connu aujourd’hui sous le nom “Glashütte Original”. Et c’est un fait, de toutes les entreprises horlogères de Glashütte, Glashütte Original est bien celle qui offre la plus grande continuité historique.

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